Expo : Damien Hirst, The Complete Spot Paintings 1986-2011 - Gagosian Gallery Paris - Jusqu'au 17 mars 2012


Du 12 janvier 2012 au 18 février, Gagosian organise 11 expositions simultanées dans ses 11 galeries, du grand ponte de la scène artistique britannique, le très provocateur Damien Hirst. Une sorte de prélude à la grande rétrospective que lui consacrera la Tate Modern à Londres en avril prochain. New York, Paris, Hong Kong, Beverly Hills, Genève, Athènes, Rome sont autant d’étapes de ce grand voyage autour du thème des Spots Paintings. Les globe-trotters pourront faire tamponner, pièce d’identité à l’appui, un carnet de voyage, déjà une sorte d’œuvre d’art en lui-même et ceux qui auront visité les 11 lieux recevront une création sur papier dûment signée par l’artiste.


LSD, 2000

Acetic Anhydride 1991

The Complete Spot Paintings 1986-2011 regroupe plus de 350 œuvres dont 200 prêtées par des institutions et de collectionneurs particuliers d’une vingtaine de pays ainsi que des pièces toutes récentes. Le concept : des toiles recouvertes d’un alignement de points colorés dont les titres évoquent des spécialités pharmaceutiques. Il s’agit de créations du plus petit format, œuvres les plus anciennes et les plus recherchées,  Acetic Anhydride, 1991 ou N-Chloroacetyl-I-Phenylalanine (PFS) Crystalline, 1997, au monumental tel Zinc Lactate, 1999 immense toile circulaire exposée à la galerie parisienne autour de laquelle plus de 150 personnes peuvent se réunir.

Publicitaire de génie ou maniaque du travail en série, la question se posait déjà pour Warhol, Damien Hirst s’est lancé dans la réalisation d’un tableau comportant 1 million de points estimant que la tâche lui prendrait 9 ans. Esprit ironique, affichant clairement son attachement à la question pécuniaire loin de l’hypocrisie latente, trublion scandaleux, Damien Hirst ne cesse de s’interroger sur le rôle de l’art dans la culture contemporaine.

En 1988, alors qu’il est encore étudiant, au Goldsmith College, il réunit la jeune garde de l’art contemporain britannique qui dominera le début des années 90 sous l’intitulé de Young British Artists, et monte une grande exposition dans un hangar désaffecté de l’est de Londres, Freeze aujourd’hui célèbre pour avoir révélé de grands noms.

Cancer Chronicles - Tuberculosis. Remission. (The Death of Saint John), 2003

The Physical Impossibility of Death in the Mind of Someone Living 1991

La première exposition entièrement consacrée à son travail a lieu en 1991, In and Out of Love, il emplit la galerie de papillons tropicaux vivants dont certains éclosent depuis les toiles monochromes sur lesquels Damien Hirst a collé des cocons et des spécimens naturalisés. En 2003, il reprend le thème des insectes et de la toile monochrome, noire cette fois-ci, composée de mouches mortes, une série qu'il intitule Cancer Chronicles [Je ne vous épargne le gros plan, n'est ce pas...]

Durant ses études, Damien Hirst a travaillé dans une morgue, expérience marquante qui influence encore son œuvre. Il y développe un certain goût pour l’art morbide et une fascination pour les thèmes de la mort, de la décrépitude et de la décomposition. C’est ainsi que nait la série qui le rendra célèbre Natural History, dont le premier opus The Physical Impossibility of Death in the Mind of Someone Living 1991, une immense cuve de verre remplie de formol dans laquelle flotte un requin tigre troublant dans une pose terriblement vivante, évoque la mortalité inévitable de tout être vivant.


Mother and Child, Divided, 1993

Trinity - Pharmacology, Physiology, Pathology, 2000

Il remporte le prestigieux Turner Prize en 1995 décerné par la Tate Gallery et qui se tient à la Tate Britain. Il y expose notamment une œuvre intitulée Mother and Child, Divided présentant une vache tronçonnée dans la longueur et présentée dans 2 cuves pleine de formaldéhyde, permettant ainsi de voir tout l’intérieur de l’animal, celle-ci accompagnée de son veau qui a subi le même sort.

Par la suite, il se concentre sur la création de cabinets de curiosités redéfinissant la sculpture et les installations. Il s’agit de vitrines dans lesquelles il expose selon le thème des objets du quotidien, instruments chirurgicaux, fournitures médicales, médicaments divers.  Composée de trois cabinets un plus grand au milieu et deux petits sur les côtés Trinity - Pharmacology, Physiology, Pathology, 2000 évoque un triptyque religieux classique par la forme. Cette création mêle le profane et le sacré en faisant référence à la Sainte Trinité chrétienne. La médecine est le nouvel opium du peuple, métaphore marxiste, permettant de dépasser les souffrances que cause la certitude de la mort, inéluctable échéance commune.

Spin Paintings

The Golden Calf - 2008

Spin paintings
, une autre série largement acclamée par le grand public célèbre la peinture séminale selon les propres termes de l'artiste. Projection de gouttes de peinture sur une toile ronde fixée à une centrifugeuse et l'art acquiert un processus presque industriel.

Iconoclaste  qui se joue des conventions établies de l’art contemporain et court-circuite marchands d’art, galeristes en organisant lui même (avec cependant le soutien de la galerie Gagosian qui le représente) chez Sotheby’s en 2008 la vente de certaines de ses œuvres, nouvelles voire inédites tel The Golden Calf, une allégorie contemporaine du veau d’or, un taurillon partiellement recouvert d’or plongé dans le formaldéhyde dans la lignée de la série Natural History.


For the Love of God, 2008
The Fear of Death - Vanité aux Mouches, Memento Mori

Il revendique la toute puissance de l’artiste et la maîtrise de ses créations du point de genèse à la vente tout en admettant très frontalement qu’il y trouve un intérêt financier. Depuis, il a été révélé que son œuvre For the Love of God (réplique en platine pavée de diamant d’un crâne datant du XVIIIème siècle dans la série des vanités à laquelle appartient également une réplique du même crâne entièrement recouverte de mouches mortes intitulé the Fear of Death) vendu pour la somme astronomique de 75 millions d'euro avait été acheté par un consortium d’investisseurs qui comptent parmi ses membres la galerie Gagosian et l’artiste lui même. [Petit aparté, je trouve le crâne de platine recouvert de diamants bien plus choquant que celui aux mouches, qu'en pensez-vous?]

Zinc Sulfate, 2008

Point d’œuvres choquantes ou morbides pour l’exposition The Complete Spot Paintings, la controverse nait ici du travail en série, de la multiplication des œuvres jumelles jusqu’au point de saturation visuelle. C’est spectaculaire, ça donne le vertige et à défaut de pouvoir se rendre à la Tate Modern en avril, vous pourrez approcher la démesure et l’excentricité de cet artiste hors du commun.

Damien Hirst, The Complete Spot Paintings 1986-2011
Jusqu'au 17 mars 2012

Gagosian Gallery paris
4 rue de Ponthieu - Paris 8
Tél : 01 75 00 05 92
Horaires : du mardi au samedi de 11h à 19h

www.gagosian.com
www.damienhirst.com (under construction, on attend toujours donc…)
www.othercriteria.com

En cadeau bonus, quelques réactions savoureuses à l’exposition de Damien Hirst en 1995 à la Tate Gallery, dont un commentaire de l’artiste à la tronçonneuse.

‘It’s amazing what you can do with an E in A-Level art, a twisted imagination and a chainsaw.’
– Damien Hirst’s acceptance speech, 1995

‘How anyone can consider a stuffed cow as art must lie even beyond the most illiterate mind. I fear you have smeared the great name of Turner with this “waste of space”.’
– Letter from a member of the public to Tate, November 1995

‘My sixteen-year-old daughter was at The Tate two weeks ago, as part of her A-Level Art course, and having seen this particular exhibit, has suffered nightmares, poor sleeping and cannot eat beef as it makes her feel sick.’
– Letter from a member of the public to Tate, December 1995

‘It’s going to be Hirst … he has done more for British art than any artist of his generation. To pass him over would be like the Booker Prize’s failure to recognise Martin Amis.’
– Richard Dorment, The Daily Telegraph, November 1995