Nos Adresses : Miss Kô, le phénomène fusion - 49, avenue George V - Paris 8


Ouvert en février dernier dans une effervescence qui ne se dément pas depuis, Miss Kô dont la mystérieuse égérie au corps tatoué à la façon des Yakusa accueille les clients de sa longue silhouette écarlate, procède à la fois du bar à curiosités, du restaurant branché, de la galerie alternative et du salon de thé psychédélique. Le salon. Pas le thé. N’est-ce pas. Il aura fallu deux ans de travaux pharaoniques pour transformer l’ancien Barfly en ce lieu festif de tous les excès qui le soir venu est rythmé par des DJs et littéralement submergé par toute la faune fashionista du quartier. Cette cantine aux accents asiatiques métissés joue avec les codes de la street food de Hong Kong, Bangkok ou encore Tokyo dans un joyeux maelstrom multiculturel, Taiwan et Corée en prime. Claude Louzon, PDG du Paradis du fruit, à l’origine du projet, a confié l’architecture d’intérieure à Philippe Starck qui a laissé libre court à son goût de la démesure et de l’étrange. La scénographie atypique composée d’associations audacieuses, hybridations graphiques, intensément vivantes mêle culture manga, mobilier de cantine en formica, fresque monumentale de David Rocheline sur un mur faisant face à un autre en béton brut sur lequel est projeté une série de vidéos de morphing réalisée par le plasticien Régis R.


Le comptoir - Grosses interrogations sur la facticité des bonsaïs - Miss Kô

Le comptoir et sa mosaïque d'écrans - Miss Kô
Le bar - Miss Kô

Atmosphère nocturne - Miss Kô
Bubble Tea Litchi - Miss Kô


Chez Miss Kô, le pouls de l'espace tout en enfilade bat à un rythme trépidant. Dès l’entrée, la perspective donne l’impression d’être propulsé dans une rue d’un Chinatown kitsch polychrome, une Asie fantasmée, à laquelle la science fiction, steam punk façon Blade Runner confère une atmosphère fiévreuse et exubérante. On se croirait en plein tournage d’un film d’anticipation. Le bar comptoir de 26 mètres de long, incrusté d’écrans qui diffusent en continu 400 journaux télévisés asiatiques dans une mosaïque d’images folles, traverse tout le restaurant et mène aux cuisines ouvertes. Une multitude de détails accrochent l’œil jusqu’à saturation. Les 200 couverts répartis sur quatre espaces entre la terrasse, le lounge, le comptoir et les tables offrent le spectacle d’un lieu à l’animation perpétuelle, spectacle hypnotique, bouillonnant, halluciné. La mise en lumière singulière de Philippe Bourdon renforce cette sensation de décalage horaire, de zone de distorsion. Chez Miss Kô, la nuit est perpétuelle. Ombrelles orange comme des soleils de minuit suspendues au dessus des convives, lampions traditionnels géants, néons urbains parachèvent la fusion décalée, décomplexée qui donne son âme transgénique à ce parc d’attraction pour adultes qui nous en met plein la vue.

Je n’ai pas testé les cocktails dont j’ai ouï dire le plus grand bien et le plus grand mal, déjeuner pondéré - en même temps n’étant pas une experte, mon avis n’aurait pas été d’une grande aide, la seule chose que je demande à un cocktail, c’est de commencer de me faire rire bêtement au bout du premier verre, c’est dire si mes exigences en la matière sont limitées. Cependant, je me suis laissée tenter par le désormais classique Bubble Tea cette boisson taïwanaise régressive à souhait en version thé vert au sirop de litchi et perles de tapioca. Breuvage ludique par excellence, insolent de gaminerie auquel j’adhère tout  à fait.

Le concept créatif second degré de la scénographie sous acide ne doit pas nous faire oublier ce qui se passe dans l’assiette. Le chef Fabrice Monot a invité à le rejoindre en cuisine Linda Rodriguez (Bond Street New York, Hachi Las Vegas) et Martin Swift (Nobu Londres). Côté carte, Pad Thaï, sushis, tataki, maki, burger au bœuf de Kobe, le tout est fusionné en repiquant dans les lubies du moment, le homard systématiquement allié à la mangue par exemple. L’exotisme se ponctue de touches bien de chez nous asperges et foie gras propulsés dans des spécialités thaï. Quelques impertinences affleurent comme le Boursin faisant une apparition surpris dans un poulet croustillant au shiso. La salade niçoise se métisse Eurasie avec le tataki de thon. Les standards asiatiques revisités à la sauce West Coast ont un côté très Nobu, branché, pas désagréable pour qui apprécie le genre.


Homarshu - Miss Kô
Nems façon demoiselle - Miss Kô

Bo Bun Chic - Miss Kô
Yakitori poulet citronnelle - Miss Kô


Au menu de notre déjeuner, premier round, pour ma part, un Homarshu : rouleau de printemps homard, avocat, mangue, feuille de shiso, sauce vinaigrée homard (15 euros), dont le homard fringant est un peu affadi par le gras de l’avocat et la puissance de la mangue. Pas inintéressant néanmoins, un peu compliqué à engloutir si l’on ne veut pas y mettre les mains, fort consistant pour une entrée.  De l’autre côté de la table, Izabel a opté pour les Nems façon demoiselle poulet et légumes aux saveurs d’Orient (9 euros). Des nems donc. Bons, certes. Bien meilleurs que ceux du traiteur chinois en bas de chez nous et ses surgelés Frères Tang. Mais tout de même des nems. Pas de quoi casser trois pattes à un canard.

Pour la suite, j’ai choisi un Bo Bun Chic : Wok de poulet 5 parfums sur salade de nouilles soba froides, pousses de soja, carottes, concombre, mix d’herbes fraîches, shiitake (champignons), cacahouètes, nems (18 euros) merveilleusement parfumé dont le poulet grillé moelleux fond dans la bouche. La sauce sucrée salée subtilement équilibrée entre herbes et épices est juste divine. Un Bo Bun rudement bien inspiré et très copieux. J’en ai presque regretté que les doggy bags ne soient pas au programme. Izabel a fait confiance une nouvelle fois aux classiques avec un Yakitori poulet citronnelle : brochettes de poulet à la citronnelle, purée parfumée au gingembre (18 euros) bien tourné dans sa simplicité, justement assaisonné, subtilement caramélisé. Repues, nous étions et nous n’avons pas tenté l’aventure du dessert. A noter pour les apéros dinatoires les plateaux de sushis à partager, Sushi Party, appellation qui tend à prouver que chez Miss Kô, l’esprit se veut festif. C’est noté chef !

Une expérience visuelle singulière, une addition pas trop salée pour le quartier (tout est relatif…), une ambiance délirante de science fiction, une carte pleine de surprises, un concept exportable fort rentable. Je n’ai rien contre les machines de guerre et celle-ci m’a beaucoup diverti. Ca a du bon le kitsch parfois.

Miss Kô
49 avenue George V - Paris 8
Tél : 01 53 67 84 60 (réservation nécessaire le soir)
Horaires : du lundi au dimanche de midi à 2h service continu, brunch de midi à 16h le dimanche


Miss Kô - 49, avenue George V - Paris 8