Paris : Musée Zadkine, atelier-musée bucolique au coeur d'un jardin secret - VIème



Le Musée Zadkine, à Paris, fait partie de ces lieux confidentiels au charme bucolique, propices à la rêverie. En retrait des circuits touristiques culturels, le plaisir n'y est pas gâché par l’affluence turbulente des empêcheurs de flâner en rond. Les détenteurs du secret seraient parfois fort tentés de le préserver en ne divulguant pas son existence. Au fil des pérégrinations, il arrive que l’amoureux de Paris déniche des pépites en poussant une porte, en s’enhardissant au-delà d’un haut grillage entrouvert mais peu avenant. Heureuses explorations qui débouchent quelques fois, au détour d’une arrière-cour, sur un confetti de nature luxuriante, des exquis jardins et de petites maisons de ville insolites. Aujourd’hui, la rédaction vous emmène visiter un musée atelier d’artiste miraculeusement préservé du féroce appétit des promoteurs, le Musée Zadkine.









Ossip Zadkine (1890-1967) sculpteur d’origine russe avant-gardiste, figure majeure de l’Ecole de Paris, précurseur du cubisme était l’ami intime de Pablo Picasso, Blaise Cendrars, Henri Miller, Amadeo Modigliani, Constantin Brancusi qu’il retrouvait volontiers durant l’entre-deux-guerres dans ce mythique Montparnasse des artistes, celui des années folles. La Rotonde accueillait les soirées endiablées, on croisait Guillaume Apollinaire et Cocteau à La Closerie des Lilas et puis dès 1952 le Select devint le point de ralliement.

La maison située au 100 rue d’Assas était la demeure et l’atelier d’Ossip Zadkine et de son épouse, la peintre Valentine Prax (1897-1981). Havre de paix intimiste devenu musée de la Ville de Paris en 1982 selon le souhait de l’artiste avec l’aide de sa femme, elle ne vit malheureusement pas le projet aboutir. Le Musée Zadkine est un lieu rare, enchanteur. Fermé au public pendant plus d’un an, entièrement rénové afin de rouvrir en 2012 pour fêter ses trente ans, les visiteurs peuvent découvrir la nouvelle scénographie évoquant un dialogue entre les œuvres, entre intérieur et extérieur. Les travaux entrepris ont permis de renforcer l’esprit originel de ce musée qui fut tout d’abord lieu de vie et de création.








Ce qui m’a séduit au premier abord, l’écrin verdoyant qui entoure la maison et où se dressent certaines œuvres que l’artiste aurait lui-même disposées. Jaillissant des bosquets, leur peau de bronze fait écho au vert profond de la végétation, créatures mythiques, dryades immobiles. Du jardin arboré dont l’artiste était très fier, il reste les trois sycomores qui ont été agrémenté de bosquet de houx. Le paysagiste Gilles Clément, responsable de sa restauration, a voulu conservé l’idée de sous-bois et de clairière qui plaisait tant à Zadkine. Bouleau, pieds d’aubépines, fougères, cyclamens de Naples, hortensias feuille de chêne se chargent de parfaire l’illusion.

La maison de ville datant du XVIIIème siècle est une ancienne dépendance du couvent Notre-Dame de Sion. Elle possède le charme singulier des lieux habités. L’élégante scénographie laisse la parole aux œuvres dont l’éloquence s’épanouit à travers l’espace volontairement dépouillé. Grâce aux grandes baies vitrées et aux larges verrières, les pièces baignées de lumière naturelle qui nimbe les soixante dix œuvres exposée d’une aura particulière. Un lieu solaire dont les parquets en pin de l’Oregon ont retrouvé leur blondeur originelle. A l’accueil, trône un samovar selon la tradition russe afin de pouvoir offrir un thé aux invités et rendre hommage à Ossip Zadkine grand amateur de ce breuvage.






 


La visite permet de découvrir l’évolution de l’œuvre de l’artiste. Sculptures figuratives inspirées par l’art égyptien, l’art africain, les arts premiers, la nature, le corps de la femme, la mythologie. Sensibilité, évidence, épure à ses débuts, fluidité du néoclassicisme par la suite, puis évolution vers la géométrie du cubisme, l’abstraction et le lyrisme des dernières années qui tend vers des lignes plus complexes. Le travail d’Ossip Zadkine est marqué par sa recherche perpétuelle autour de la matière, une véritable immersion, une confrontation directe, une approche physique des éléments. La pierre : pierre de lave, granit, calcaire ou grès, le bronze, le bois ébène, acacia, noyer.

Au fil d'une heureuse flânerie se dévoilent tête héroïque en granit, Vénus cariatide en poirier, porteuse d’eau en noyer, maternité en marbre, torses en acacia ou en ébène. Les torses souvent acéphales sont un motif récurrent de son œuvre et le célèbre torse-violoncelle en ébène est à découvrir sous la minuscule véranda. L’atelier à part, au fond du jardin permet d’organiser de nombreuses manifestations culturelles telles que expositions, performances, lectures, concert. 








Le Musée Zadkine, hors des sentiers battus, offre les délices d'une quiétude heureuse, à deux pas de l'effervescence urbaine. Une expérience exquise, un bonheur rare et précieux à conseiller.

100 rue d’Assas - Paris 6
Horaires : Tous les jours de 10h à 18h sauf le lundi
Tél : 01 55 42 77 20
www.zadkine.paris.fr