Coup de coeur cinéma : Furyo de Nagisa Oshima - Avec David Bowie, Tom Conti, Ryuichi Sakamoto, Takashi Kitano - Sortie version restaurée le 18 mars 2015



1942, en pleine Seconde Guerre Mondiale, l’île de Java est occupée par les Japonais qui s’en servent comme base pour leurs camps de prisonniers. Le capitaine Yonoï (Ryuichi Sakamoto) officier répondant au code de l’honneur des Samouraïs, guerrier émérite ayant pourtant été au centre d’événements de rébellion parmi les cadets de son école militaire, est à la tête de l’un de ces camps où sont regroupés principalement des anglais et des américains. La cruauté et le manque de compassion avec lesquelles il traite les captifs sont relayés par le sergent Hara (Takashi Kitano), une brute paradoxalement débonnaire. Le major Jack Celliers, un officier anglais d’élite parti en mission d’espionnage en Indonésie est arrêté puis transféré à Java. Il devient proche du colonel John Lawrence (Tom Conti), féru de culture japonaise, seul occidental du camp à parler la langue et qui joue plus ou moins le rôle d’intermédiaire avec les soldats japonais.











Jack Celliers, refusant de se soumettre, son attitude provocante prend la forme d’une résistance passive. Il devient alors la cible du capitaine Yonoï. A la fois fasciné par cet homme, jusqu’aux sentiments les plus troubles, il est aussi révulsé par son statut de prisonnier ne s’étant pas suicidé lors de sa capture comme l’exige le code de l’honneur japonais. Une attitude qu’il trouve méprisable. Yonoï tente de briser Celliers par tous les moyens. Les châtiments de plus en plus sévères à son endroit et son inflexibilité redonnent aux captifs une certaine dignité et ne font que renforcer l’émoi du jeune capitaine Yonoï.

Furyo, littéralement racaille, était le nom que les soldats japonais donnaient aux prisonniers de guerre. La sobriété de la mise en scène renforce le sentiment de violence intense lors des scènes les plus crues. Le réalisateur Nagisa Oshima, qui avait déjà marqué les esprits avec son film précédent, L'empire des sens, déploie le récit, cet affrontement entre deux aristocrates, d’une façon singulière, mettant l'horreur en lumière avec une élégance presque dérangeante. C’est en esthète de l’épure qu’il laisse à voir le pire où seule la musique se permet d’apporter un frisson émotionnel. Le sentiment de beauté troublant des images, particulièrement lors des flashbacks évoquant la jeunesse du major Celliers, un univers de l’enfance délicat presque onirique, fascine le spectateur, conférant à l’histoire une dimension hypnotique.










L’interprétation intelligente des comédiens accentue les subtilités des sentiments éprouvés par les uns et les autres. David Bowie, ange blond magnifié par le réalisateur, figure christique, attire le capitaine Yonoï, qui est aussi d’une beauté trouble presque androgyne, autant qu’il le révulse. Cet échange entre les deux hommes devient une sorte de métaphore : rencontre de l’Orient et de l’Occident, l’incapacité de se comprendre, l’incompatibilité des notions de courage, d’honneur et de sacrifice. Furyo est également le film qui a révélé Takeshi Kitano au public occidental dans son rôle de sergent, bonne brute à la trogne de bouddha bonhomme.




La musique obsédante, écrite par Ryuichi Sakamoto, amplifie la grâce et la violence des images. Perversité, décadence, séduction, un long métrage flamboyant et troublant. Film amer, rêverie sadomasochiste, Furyo est une œuvre envoûtante, fascinante, une réflexion puissante sur le choc des cultures mais aussi un étonnant message de tolérance

Furyo (Titre original Merry Christmas Mr. Lawrence)
Sortie originale 1 juin 1984
Sortie remasterisée 18 mars 2015
Un film de : Nagisa Oshima
Avec : David Bowie, Tom Conti, Ryuichi Sakamoto, Takashi Kitano