Théâtre : Un amour qui ne finit pas d'André Roussin - Avec Michel Fau, Léa Drucker, Pascale Arbillot, Pierre Cassignard - Théâtre de l'Oeuvre - Paris 9



A Divonne-les-Bains, lors d’une cure thermale, Jean croise la charmante Juliette. Epoux volage lassé de liaisons décevantes, il décide de nouer avec elle une relation platonique univoque. En quelques minutes de présentation excentriques, il lui expose son projet lui demandant expressément de ne pas répondre à cet amour, de se laisser adorer sans contrepartie. La jeune femme, elle-même mariée, bien que décontenancée est en quelque sorte séduite, amusée par le propos. De retour chez elle, Jean lui écrit tous les jours imaginant une idylle romantique idéale que l’objet adulé ne viendrait pas ternir par son intervention. Sans réciprocité, sans passion physique, sans mesquinerie ni mensonge, un amour prétexte aux songes, sentiment désincarné et pur. Roger, le mari de Juliette, mis au courant par sa femme de cette relation épistolaire en prend ombrage. Il compte faire cesser instamment cette lubie. Germaine, l’épouse de Jean, échaudée par ses incartades ne croit pas à la sincérité de celui-ci et tente de le pousser à consommer cette aventure afin de l’en dégoûter.





André Roussin dramaturge de l’après-guerre retrouve en ce moment les faveurs des spectateurs grâce à des productions finement amenées signées par des metteurs en scène passionnés. A travers un théâtre de boulevard intelligent plus mélancolique que farcesque, il tisse des comédies de mœurs désenchantées donnant à réfléchir.  Un amour qui ne finit pas date de 1963. La satire féroce, sous la légèreté de l’imbroglio vaudevillesque, fustige les préjugés, les hypocrisies du modèle bourgeoise, de la famille traditionnelle et du couple, déchiquette à belles dents l’idée du bonheur conjugal. Mélodrame allègre au charme suranné, le texte raffiné, un peu vieilli, distille une forme d’amertume jusque dans le rire, une mélancolie qui se mêle à l’acuité du regard porté sur la société dans une vasque d’étrangeté à la dérision charmante.




Sur scène, deux intérieurs se partagent le plateau dans un effet miroir en négatif renforçant le sentiment de décalage avec la réalité. La mise en scène inspirée de Michel Fau atténue les quelques faiblesses du texte et sa misogynie.  Tragi-comédie drôle et cruelle, Un amour qui ne finit pas est une partition pour quatuor en accord parfait. Les comédiens se révèlent irrésistibles de fantaisie, limpides dans leur interprétation et sensible, tout en nuance. Michel Fau, admirable Jean, campe un rêveur ambigu, vaguement inquiétant sous ses abords presque débonnaires tandis que sa compagne de fiction, Germaine-Léa Drucker tout en dérision, bourgeoise manipulatrice mal-aimée, fait preuve d’une puissance comique réjouissante. Belle plante en robe Courrège et bottes pied de poule, Pascale Arbillot est une Juliette troublée, femme-objet, femme-trophée nuancée qui ouvre les yeux sur son mariage. Pierre Cassignard apporte une touche burlesque à l’ensemble dans le rôle de Roger, jeune macho, rétro et obtus, rongé par la jalousie. A noter la présence d'Audrey Langle en soubrette cocasse multi-task.  




Avec un propos diablement universel malgré quelques désuétudes charmantes, les jeux de l’esprit d’Un amour qui ne finit pas séduisent par la vivacité du propos, l’intelligence des échanges acérés. Un délice et une jolie apparition surprise de Philippe Etesse en toute fin.

Mise en scène : Michel Frau
Avec Michel Fau, Léa Drucker, Pascale Arbillot, Pierre Cassignard, Philippe Etesse, Audrey Langle

55 rue de Clichy - Paris 9
Location : 01 44 53 88 88 ou sur le site ici